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Dans l’Equipe (quatre janvier 2017) je lis : « Au rez-de-chaussée de son immeuble HLM […] son petit studio est impeccablement rangé. Un vélo de route est posé dans l’entrée. Un home-trainer est installé juste à côté de son lit à une place. Des photos de ses exploits garnissent les murs […]. Il a une télé, une chaîne Hi-fi, beaucoup de livres, ses carnets d’entraînement et l’Humanité-Dimanche avec en une Fidel Castro. Voilà l’univers de Robert Marchand, cent cinq ans depuis le 26 novembre dernier et déjà deux fois recordman de l’heure »… Cet incipit du grand quotidien sportif définit bien le bonhomme dans son cadre quotidien.
Les trilles joyeux
de la trompette
Avant le top départ, cherchant mes copains de l’UVO (j’apprendrai par la suite que seulement deux travées nous séparaient… je suis miro !), je repère le groupe d’Ardéchois au chœur fidèle, débarqué avec une banda fervente et bruyante de « viens poupoule, viens… » et un chapelet en sautoir de petits airs des « jeunes années » dont les trilles harangueurs et joyeux de la trompette courent toujours dans la montagne. C’est sympa. Ils portent le maillot de L’Ardéchoise et font voler les oriflammes. J’y reste.
Comme le bon vin, dont il fut négociant, Robert s’améliore en prenant de la bouteille. Et pourtant il ne boit pas ou très modérément. Il a déjà inscrit deux records de l’heure à son palmarès. Le premier (il avait cent ans) à Aigle en Suisse ou il a abattu son heure en 24,51 km, et le deuxième, ici, sur le parquet du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, il a crevé ses propres states : 26,93 km… à 102 ans.
Nous y étions (nous, l’UVO). Je me souviens que, pour cette tentative, il avait « déplacé » la presse, comme on dit, mais rien en comparaison de ce quatre janvier 2017. C’est vraiment la bousculade dans la «tribune de presse»… Tous les média, journaux, radio, télé, web, en ont fait un tabac, et ils sont là. C’est un peu la foire, ils veulent tous l’approcher.
Sous la férule de son entraîneur personnel (Jean-Michel Richefort* directeur technique national honoraire de la Ffct), de son Médecin personnel, Véronique Billat, physiologiste, de son pygmalion et mentor, Gérard Mistler, Président fondateur de l’Ardéchoise qui viendra une fois dans l’heure, danser sur la piste, aux rythmes de la banda… Tout ce monde et un aréopage de techniciens et de spécialistes… spécialisés, chapeautés par David Lapartient, président de la FFC… que du beau monde… et très encouragé par son speaker personnel du jour…
Oui. Tout ça pour Robert : un mètre cinquante, cinquante kilos… et un cœur de cheval… il faut le dire. Elles sont là pour ça, toutes ces personnalités : un cœur de cheval dans une carcasse d’adolescent de 105 ans.
Sous leurs conseils, il démarre lentement, Robert… « respectant son plan de marche », annonce le speaker…
A cinq-six ans
au cul des vaches
Pas vraiment comme dans la vie qui ne lui a pas laissé le temps de tirer des plans sur la comète. Il a vécu la valise à la main (elle est toujours chez lui, prête à partir, s’il le faut). A cinq six ans au cul des vaches dans l’Allier, en exode, pendant la grande guerre, fallait gagner son pain ; maroquinier à 10 ans (son père avait « bouffé » la grenouille, fallait bosser) ; pompier de Paris ; agriculteur en Picardie ; champion de France de gymnastique ; chauffeur de poids lourds au Venezuela ; bûcheron au Canada… etc… Maraîcher puis marchand de vin… et puis, à la retraite, «champion cycliste» : il a parcouru son premier Bordeaux-Paris à soixante-treize ans… Alors ça, ça me scie. Va falloir que je m’entraîne…
Comme une horloge
puis la mouche le pique
Pendant quarante minutes, il a tourné comme une horloge… — mais bon, tout le monde estime, sans le dire que la cadence est plus basse que d’habitude — et puis d’un coup, la mouche le pique et, tour après tour, il relance sa moyenne pour terminer à 22,55 dans l’heure… Nous sommes tous soulagés et admiratifs, évidemment. Mais manifestement il ne s’en contente pas. Pire : il en a encore pas mal sous la semelle et ne veut pas lâcher les pédales. J’en ris encore.
Il fait au moins quatre tours supplémentaires, plus un tour de décélération dont il n’a pas vraiment besoin, utilisant son vélo de route à roue-libre et freins.
Cent dix ans
c'est un peu lointain
Et quand il s’est arrêté… il s’est déclaré surpris par une heure aussi courte et a mâchonné qu’il aurait bien roulé encore une heure « je croyais que j’avais encore des kilomètres à faire… j’aurais pu aller plus vite ». Ça, on l’avait compris… « Non, j’étais pas fatigué, j’ai pas mal aux jambes, j’ai mal aux bras… Enfin, faut bien avoir mal quelque part ! ». Il est comme ça, Robert. Le tempérament d’un grand champion.
Evidemment, un ingénu journaliste lui pose la fameuse question originale… du genre… a t-il l’intention d’établir le record des plus de cent dix ans ? Il reste serein, Robert… « C’est un peu lointain… on en recausera ».
Allez ! on s’entraine (si, si !)… à chanter… Hihihi ! et on revient dans cinq ans !
Claudius |
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Robert Marchand à 102 ans
Jean-Michel Richefort 2015
24 heures pour le Téléthon
Jean-Michel Richefort a été directeur technique de la Ffct. C’est un type extra. C’est lui qui drivait Robert sur la piste… Mais c’est aussi un athlète de haut niveau. Et un homme de cœur. En 2015, à l’age de 62 ans, il s’était lancé un défi : celui de pédaler pendant 24 heures au profit du Téléthon, sur «notre» vélodrome. Lui aussi, il battait son propre record en parcourant 664 kilomètres. Cette performance a permis de verser 7300 euros pour le Téléthon… Sympa, le gars.
Gérard Mistler
Président, Directeur de l'Ardéchoise
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