Après avoir raté Paris Roubaix Challenge l’année dernière et avoir passé plus de 6 mois dans le Groupe « G mal », cela semblait complètement fou de me lancer dès avril dans une aventure pareille….Alors quand Frédéric R est venu me voir en me proposant de le suivre dans LBL challenge, je lui ai répondu que tout ceci n’était plus pour moi….et que le biclou allait bientôt finir aux clous !
Nous sommes fin octobre et les démons de la socquette sont tenaces…. finalement je m’incline devant la pugnacité de Frédéric R, me voilà embarqué à ses côtés, Vincent B et deux autres cyclos dans ce Liège Bastogne Liège challenge 2019… version 150 kms, faut pas pousser non plus ! La première partie de ce LBL 2019 se passe au mieux, c’est à dire bien au chaud dans la confortable voiture de Frédéric et nous rallions le vendredi soir l’ airBnb que Frédéric avait réservé pour nous. En arrivant sur Liège, je vois progressivement le visage de Fréderic se crisper en observant le relief des lieux… et oui, mon ami, la Wallonie, ce n’est pas plat hein Vincent ?
Il fait beau ce vendredi et nous dépassons Liège pour rejoindre une commune nommée Aywaille… ou plutôt « et ouais : aie » !! Car sans le faire exprès, Frédéric a réservé quasiment au pied de la côte de la Redoute ! Histoire de bien nous faire gamberger… nuit blanche assurée en voyant le profil, certes, de loin la côte est très pentue mais faisable, l’humeur demeure tout de même joyeuse… et nous partons récupérer les dossards au hall des Foires après avoir essuyé des bouchons dignes d’un trafic parisien !
Finalement cette journée se termine autour d’un bon plat de pâtes préparé par Vincent B arrosé au préalable d’une bonne Chimay.
Sachant que nous prévoyons de rallier le départ à 6h du matin, je m’endors à 22h devant Kohlanta… en me disant que demain le frenchy va se faire walloner ! Façon Belge quoi, surtout après avoir consulté les prévisions météo du lendemain : pluie, vent et 6° ressenti !
Patatras, il est 2 h du matin et impossible de dormir davantage, fébrile, je regarde lentement s’écouler les heures et en profite pour regarder un peu dehors : pas de pluie ! Chouette c’est déjà çà ! 04h10, tous les portables entament leur concert matinal, ça y est, tout le monde debout, je réveille Frédéric qui émerge lentement, petit déjeuner et traditionnelle banane avalée, chacun se regarde pour savoir ce que nous allons mettre, Vincent B décide d’opter pour le court, il ne pleut pas et dehors la température semble acceptable, au final, tout le monde décide de prendre la même option (sauf un mais il se blessera) ; quelle erreur !! J’aurais dû passer un coup de fil à Vincent G, histoire d’avoir l’avis d’un natif des lieux ! Biclous chargés, des gouttes commencent à tomber, il est 05h30, nous reprenons les voitures, direction la zone de départ située à une trentaine de Kms, quai de Wallonie à Liège. La pluie s’intensifie et je sens que ça va être un LBL « galère». De plus, depuis quelques jours des maux de gorges ne me quittent pas….
Départ 06h20 ; les premiers tours de roues se passent bien, je n’ai pas froid et miracle, il ne pleut quasiment plus….la traversée de Liège est vraiment sans intérêt, ponctuée de carrefour et de feux qui font éclater les paquets et les paquets de cyclos… Je décide de commencer doucement en sachant ce qui m’attend derrière, je n’ai pas envie de me « cramer » et surtout de me blesser en voulant appuyer dès le départ dans les rues de Liège… Vincent B part devant en compagnie des autres cyclos qui nous accompagnaient, je décide d’attendre Fred, d’autant que « surprise surprise, » dès la sortie de Liège çà monte, premier effet « kiss cool », ça monte gentiment, mais ça monte…un peu plus loin en haut de cette première bosse, je rejoins le « Bosse » (je veux dire Vincent B), il me demande ou sont les autres, je lui dis que Fred est derrière, que j’ai doublé l’autre cyclo qui ne me semblait pas bien…. La pluie est repartie de plus belle et je commence à avoir froid, ils repartent, j’attends, puis je décide de faire demi-tour afin de retrouver Fred….le voilà, nous repartons ensemble, mais je vois bien que cela ne vas pas bien et il reste plus de 120 bornes à couvrir…
Nous faisons route ensemble quelques kilomètres….Fred me dit que ça ne va pas, que son mollet le fait souffrir, et qu’il va se rabattre sur le parcours du 70 kms…(qu’il terminera le bougre et sans assistance SVP) il me dit de ne pas l’attendre, et de continuer… Je lui souhaite bonne route, et je le quitte, un peu dépité de perdre un compagnon de route…. Je tombe une dent et je repars cette fois-ci complément seul…. D’autres cyclos sont là, éparpillés « façon puzzle », mais je ne suis plus avec mes coéquipiers d’une journée… c’est trop tôt… mais bon… Une belle descente se profile… je vois au loin devant moi un groupe, j’essaie d’enrouler histoire de « sauter » dans ce Groupe - on verra bien - mais bon sang que j’ai froid aux jambes, les pieds sont complément mouillés et les doigts commencent à me piquer…. La descente est une vraie tannée, je descends tout de même à 50 km/h, au loin j’aperçois un carrefour et une Peugeot semble arrêtée. Non pas possible elle passe tout de même… et moi qui arrive pleine balle, je freine trop brutalement… la roue arrière glisse et dérape sur le bitume, et zut je vais tomber, c’est sur…. je récupère tout de même (et oui ca sert de faire un peu de moto) et finis de doubler la voiture par la droite dans l’herbe et pestant contre la conductrice qui sait qu’elle vient de faire une belle « Co….rie ». Je suis là, encore sous le choc, et je me dis que j’ai eu beaucoup de chance... d’autant qu’en tout début de parcours, une chute s’était produite dans le gros paquet de cyclos juste devant moi….
Cette frayeur m’a fait perdre la visu sur le petit Groupe que je tentais de rejoindre, mais les Ardennes ça descend mais ça monte…surtout ! Et je finis par les apercevoir, j’appuie et je tire sur les manivelles et finis par les rejoindre… des Italiens ! Au bout de quelques kilomètres, un gars entame la conversation, il me dit qu’ils viennent de Rome que cela fait la quatrième fois qu’ils font LBL et que je suis complémentent « barré » de rouler en cuissard court ! Oh, toi le Romain, tu ne connais pas les Gaulois ??? On rigole mais je ris jaune parce qu’il a raison le Romain … le Groupe roule bien et tout le monde collabore si bien qu’on loupe le premier Ravito… demi-tour… "non, non, 147 kms c‘est pas assez, surtout avec ce temps". Alors tant qu’à faire…prenons du rab !
Nous arrivons au Ravito et là surprise, je retrouve un cyclo qui nous accompagnait dans ce périple Liégeois, top me dis-je, on va pouvoir reprendre la route ensemble et se remettre avec les Italiens…
et là patatras, il m’annonce qu’il a une sorte de claquage et qu’il pédale comme un « flamand rose » (sans jeux de mots), c’est-à-dire sur une jambe ! Je lui annonce que Fred a coupé sur le 70 kms. Je me gave au ravito, une gaufre, puis deux… de la banane, que c’est bon, mais qu’est-ce que j’ai froid, l’isostar coule à profusion… en barres, en liquides, en gels, le ravito croule sous l’isostar… franchement, pour avoir une fringale sur LBL, il faut le vouloir !
Je discute et un peu avec notre pauvre « flamand rose » puis en selle…. zut où sont passés les italiens…. Repartis…
Nous faisons à peine 1 ou 2 kms, je regarde derrière, il a mal et là je vois notre pauvre cyclo s’arrêtant à un rond-point, demi-tour… il me dit qu’il ne pourra pas rallier l’arrivée comme çà, il retourne sur Liège en prenant le parcours en sens inverse…
De nouveau seul, je repars, je remonte des cyclos, des fusées à la G1 me doublent aussi…
Arrive la séparation entre le 147 et le 266 Kms… vu l’heure à laquelle nous sommes partis, la majorité des cyclistes prennent le 266 kms… J’enchaine le tobogan ardennais et remonte sur trois British, le rythme me convient, j’en arrive à attendre avec impatience les côtes, ces dernières me permettent de me réchauffer… je fais un bon bout de chemin avec les sujets de sa majesté, mais le petit groupe ralentit car un des british saute dans la côte de la Barriere. Je maintiens le rythme et pars donc devant « God save the Queen»… je regarde mes doigts… certains ressemblent à ceux que l’on retrouve après un séjour prolongé dans son bain, c’est-à-dire fripés ! J’ai une perte de sensibilité au bout d’un des doigts à cause du froid… mais je rejoins le col de la Haute levée sans encombre… et oui ils ont aussi des cols en Wallonie !! Le début de cette cote est à la limite du sadisme… pendant 1 km mon GPS affiche entre 10 et 13 % de dénivelé pour une cote qui est donnée à 5.4% de moyenne, la fin est plus roulante, mais qu’elle est dangereuse cette côte, les voitures nous frôlent du fait d’un séparateur en béton au milieu… bref, pas du tout un bon souvenir….
J’entame la descente vers Francorchamps, et arrive bon gré mal gré au deuxième ravito… 95kms et mes jambes me font mal, j’ai l’impression d’avoir des bouts de bois… mais pas de crampes…. Je cherche en vain un café, mis à part de l’Isostar rien d’autre n’est proposé comme boisson, rien de chaud.
Un cyclo appelle le numéro d’urgence pour qu’on vienne le chercher… j’essaie de faire quelques flexions pour assouplir ces bouts de bois qui me servent de jambes…. Je reprends des gaufres, je vais finir à avoir plus de kilos à force de me gaver comme çà dans les ravitos…. J’entends au loin le bruit des moteurs qui tourne sur le circuit de Spa… je me demande si ma roue arrière n’est pas voilée, les patins frottent…. Le stand mécano est pris d’assaut car avec cette météo, le matériel souffre.
je resserre la roue, la recentre et en selle… il faut repartir…direction le col du Rosier
Arrive ce fameux col, quel dommage qu’il ne fasse pas beau, même sous la flotte et le froid, le site est superbe, la paysage me fait oublier quelques instants le froid, mes doigts fripés et gelés, je monte tranquillement au train cette côte de 4,8 kms qui s’élève en moyenne à 6 %, mais là aussi mon GPS affichera des valeurs comprises entre 6 et 9 %, mince il pique quand même ce col et l’environnement me rappelle la moyenne montagne… belle côte… et hop on redescend… direction le col du Maquisard… j’essaie de détendre mes jambes, de les frotter, je commence aussi a avoir des douleurs au dos. Pffff…….
Même sentiment, je regrette vraiment de ne pas pouvoir gravir le col du Maquisard sous une meilleure météo, là aussi le paysage est superbe…. La montée se passe sans gros soucis, j’ai tout de même du mal à me mettre en danseuse mais ça tient… et il le faut, coûte que coûte, car hors de question de caler dans les trois dernière côtes, côtes mythiques de Liège-Bastogne-Liège.
Je la redoutais celle-là, après l’avoir vue la veille en arrivant, et surtout au regard des nombreuses retransmissions des courses passées… Passage sous un pont et hop on est dedans et elle annonce la couleur la vilaine, ça commence par une ascension parmi les campings cars stationnés là, peu de gens dehors vu le temps… certains regardent par les vitres, bien au chaud, passer ce flot continu de cyclos… Le bitume est recouvert d’inscriptions à la gloire de Philippe Gilbert, héro local…
Mon dieu mes jambes me brulent et la route, après un premier virage, se cabre encore et encore, le GPS s’affole, 21 %, je crois rêver… Je ne vois pas le bout, des cyclos posent le pied à terre et marchent, d’autres s’arrêtent pour reprendre leur esprit. Quel dommage, j’ai le souffle même si le cardio s’envole, j’ai le souffle mais ce sont mes jambes et mon dos qui ne suivent pas !! Je n’ai pas envie de retrouver le Groupe « G mal »… je veux me mettre en danseuse mais j’ai du mal, je serre les dents, hors de question de poser le pied, jusqu’au bout… encore et encore…, j’avance à la vitesse d’un escargot 8-9 km/h mais ca y est j’y suis, mon Dieu c’est fait ! Oui, Oui, c’est bien me dit-il, tiens prends ça pour fêter ça : une averse carabinée m’arrose copieusement ! Merci Dieu, sympa !
J’angoisse quand même, il reste encore du chemin et deux grosses difficultés, j’arrive au dernier ravito situé au milieu d’une grimpette non répertoriée, encore une, et encore une surprise à la Belge quoi ! J’avale un quart de banane et un quart d’orange… je n’ai plus faim et de toute façon j’ai plein de barres Isostar dans mon dos, grappillées sur les précédents ravitos… je vérifie encore une fois ma roue et je repars finir la surprise Belge pour enchainer dans une longue descente, direction la côte des forges… un virage en épingle et ça y est, on y est… une large et longue ligne droite qui grimpe en moyenne à 7%... puis elle tourne à droite, c’est pas long mais là aussi certaines portions sont salées, à 10% mais ça passe, les fesses rivées sur la selle, impossible de les lever. Et la pluie redouble d’intensité…
Je pense à tous ces cyclos partis sur 266 kms… mais pas le temps de trop rêvasser dans la descente qui m’emmène au pied de la difficulté suivante… il me reste à avaler la côte de la Roche aux Faucons… Faucons se le dise entre nous, une belle S….IE celle-là, en fin de parcours, quand vous n’en avez plus… elle vous en remet une couche… ça commence sévère et on est de suite dans l’ambiance avec du 13 % pendant environs 100 m puis on descend dans des zones « rationnelles » entre 7,5 et 6 %, puis la Faucons fait son travail de sape, mon GPS s’affole à nouveau à 16% puis 17 %, je ne peux plus me lever… les jambes sont tétanisés… là aussi pas mal de cyclos marchent à coté de leur biclou…la tentation est grande et encore une fois je puise au plus profond de moi (le mental fait souvent la différence) pour hisser ma carcasse démembrée en haut de cette satanée côte, enfin c’est ce que je croyais car après un petit faux plat… ca remonte ! Certes pas très fort, mais ça remonte, histoire de vous rappeler que vous n’en avez pas encore terminé avec elle…
Ca y est, j’y suis dans la descente qui me ramène sur Liège, la descente est roulante et large mais la peur engendrée en début de parcours est toujours présente, d’autant que nous sommes désormais dans un paysage urbain. Et comme par magie une belle éclaircie m’accueille à Liège !
La traversée de la ville et sans grand intérêt, mais je me sens pousser des ailes… j’avance vite en compagnie d’une quinzaine de flahutes (merci Vincent G), nous respectons les feux, et nous arrivons en plein centre-ville de Liège près du Podium ou s’effectue la présentation des équipes pro… j’attrape mon tel et appelle Fred… ils sont tous au quai de Wallonie près de la zone de départ mais qui est aussi l’arrivée du LBL cyclo. J’enfourche à nouveau mon biclou et hop 3 / 4 kms de plus à fonds les ballons, j’arrive à l’arrivée du Liège Bastogne Lige challenge ou un Gentil Organisateur me coupe ma plaque !!! Mais qu’est ce qui fait lui ???? Il me demande si je comprends le français, je lui dis que oui vu que je suis Français, « ah tant mieux ! J’en ai marre que personne ne comprenne c'que j'raconte». Il me remet la plaque coupée et me dit de récupérer un T-shirt ou une casquette ou 5 €… on me remet un médaille… bien la première fois depuis le service national !
Direction les voitures, mais il me faut un café avant, je me change, j’ai encore froid nous chargeons les vélos et Fred booste le chauffage de sa voiture et nous voilà repartis pour Paris…. Le trajet s’effectue sans encombre quand soudain Fred me dit qu’il ne voit plus son vélo sur le porte vélo du véhicule… la cata on vient de perdre son vélo sur l’autoroute, en France…. l’angoisse monte, il se gare sur la bande d’arrêt d’urgence et effectivement son vélo s’est envolé…. Fred est décomposé, moi aussi, c’est pas possible… quelle poisse !!!! Au-delà du fait d’avoir perdu un vélo presque neuf… la peur de créer un accident s’installe… quand tout d’un coup, coup de tel de l’autre véhicule avec Vincent B qui nous suivait de quelques kms, ils ont récupéré le vélo sur l’autoroute… Vincent B est allé le chercher… sur la voie de gauche !!! RDV à la prochaine aire d’autoroute pour constater les dégâts… Incroyable mis à part la selle explosée et une garniture de cocotte, le cadre semble intact, le dérailleur aussi… reste à avoir un avis de professionnel, mais la peur de l’accident est écartée, et c’est le principal ! Malgré cette désagréable mésaventure nous regagnons nos foyers, des images en tête… Je le referai sans doute un jour, mais…. en cuissard long et avec des surchaussures et des gants dignes de ce nom ! J’aurais aimé passer un peu plus de temps à Liège et profiter à l’arrivée de l’instant et de l’évènement (pas eu le temps pour les gaufres et la bière) mais bon il y avait un timing… Bilan, plus de 2200 mètres de D+ avalés en 7 côtes sur les 11 que comporte la course pro, et 153 kms entrecoupés de casse-pattes non répertoriés, c’est çà Liège-Bastogne-Liège, « I came, I climbed, I finished ». Organisé en collaboration avec ASO, l’organisation est irréprochable (plus de 7000 cyclos), on se sent en sécurité si problème physique ou mécanique… J’ai loupé quelques fléchages mais c’est de ma faute, et puis on bénéficie du fléchage pro….