Comme tous les terriens, j’avais vu tous mes plans sportifs chamboulés par le "Covid-19", avec l’annulation de toutes les sorties vélo, en solo, en club, et en rallye. Depuis 2014, le summum de ma saison était constitué chaque année par l’Ardéchoise, en juin, mais cette grande fête du vélo a elle aussi été supprimée ! Adieu le défi de réaliser cette année 565 km en 4 jours avec 8.800m de D+ !
Agé de 73 ans, je ne suis pas sûr de pouvoir encore longtemps envisager de telles escapades… Alors, quand mon épouse m’a demandé de l’accompagner sur la côte belge pour une grosse semaine de plage avec sa sœur, afin d’aider cette dernière à piloter le camping-car, j’ai pensé que c’était peut-être l’occasion de compenser la "frustration ardéchoise" et d’organiser une semaine de vélo autour de la Belgique… Après quelques jours de consultation de plusieurs sites francophones et néerlandophones spécialisés dans les randonnées cyclotouristes, avec les conseils de Vincent - le Belge de l’UV Orgerus - et l’aide d’Openrunner, j’ai préparé 7 étapes, avec au programme 979 bornes et 6.747 mètres de D+. J’ai vite réservé les 6 hébergements intermédiaires, dont la plupart recommandés par les sites cyclotouristes belges pour l’accueil des cyclistes et de leur monture… C’était parti pour un Tour de Belgique, du 7 au 13 août !
Une étape qui devait être très cool, avec seulement 489 mètres de D+, des belles pistes cyclables longeant des canaux ou des rivières navigables - donc en principe plates (même en Belgique !) - et une orientation vers le Sud-Est qui pouvait laisser espérer un vent favorable puisqu’il vient souvent de l’Ouest dans la région… Finalement cela fut beaucoup plus difficile que prévu, avec un vent de Sud-Est (traduction : "dans le nez") allant crescendo, et une canicule qui a commencé en Belgique ce vendredi 7 août, avec 35 voire 36 degrés à l’ombre entre Tournai et Mons. A cela s'ajouta un GPS capricieux à partir d’Ypres (km 42) : en mode économie de batterie, il voulait absolument me faire passer par une route fermée pour travaux, et il s’est complètement bloqué quand j’ai voulu découvrir le circuit au-delà du passage fermé ! Je pris alors beaucoup de retard dans la ville et ses environs, et suis arrivé à Pecq (km 84) sous un soleil de plomb qui m’épuisait !
Long "arrêt au stand" dans la belle-famille pour un sympathique "dîner" (comprenez "déjeuner" en belge) et une petite sieste dans l’espoir que la température baisserait un peu. Mais c’était encore plus l’étuve quand je repartis vers 15h15 pour les 65 dernières bornes. Pas de points d’eau potable sur les pistes cyclables le long des canaux, donc grande difficulté pour remplir les bidons. J’arrivai à Mons au bord de l’épuisement, avec un GPS qui n’arrêtait pas de se bloquer… A 100 mètres de l’hébergement prévu chez une cousine, je pris une mauvaise direction, me rendis compte que je m’éloignais de la cible, m’arrêtai pour demander le chemin à deux jeunes étudiants qui ne connaissaient pas le quartier… et finalement je tombai devant eux, victime d’une espèce d’insolation : le nez sur le capot d’une voiture puis par terre ! Ils m’ont aidé à m’assoir contre le mur, puis s'apprêtaient à appeler les pompiers… ce que j’ai refusé en les assurant que la cousine qui m’attendait était infirmière. Ils m’ont trouvé un soda bien frais, et j’ai pu leur prouver, grâce au "Google Map" de mon téléphone, que j’étais bien à 200 mètres de ma destination… si bien qu’ils m’ont laissé repartir ! La cousine, infirmière à la retraite, était affolée en me voyant arriver… et voulut me faire promettre d’abandonner, ou de prendre le train. Mais après une bonne douche, un bon repas de pâtes et une bonne nuit, j’avais retrouvé les forces nécessaires pour continuer mon périple !
Donc, après cette bonne nuit, je promis à la cousine que je ne forcerais pas… et qu’en cas de trop grande fatigue, je chercherais un transport en commun. Je partis donc l'esprit tranquille dans les faubourgs de Mons, en direction des Ardennes. Je profitai de la relative fraîcheur matinale pour avancer le plus possible malgré les 10 kg de sacoches. Après une petite pause fraîcheur et ressourcement dans l’église de Rance (km 60 – 10h30), et remplissage des bidons dans le cimetière voisin, j’arrivai à Chimay (km 76) à 11h35. Impossible de passer à Chimay sans déguster une "Chimay", mais je me contentai de la moins forte (la "dorée") avec un bon sandwich fromage-charcuterie-et-crudités du pays sous les parasols à l’effigie de la bière locale.
Après ce petit repas – mais n'y voyez aucune corrélation !! - … une petite erreur de navigation me fit faire 5 bornes de rab, puis retour sur le circuit. J’eus droit ensuite à une superbe piste cyclable empruntant une ancienne voie ferrée dans la forêt ardennaise (un "RAVeL" : Réseau Autonome des Voies Lentes), parfaitement aménagée, fléchée et entretenue… mais qui s’arrêta bien trop vite : il faudra revenir l’an prochain, car les Belges sont en train de construire le prolongement avec des grands moyens : la "petite reine" bénéficie vraiment d'un traitement royal chez eux !
Paradoxalement, alors que le thermomètre affiche officiellement 37° à l’ombre dans la région, j’ai la bonne surprise de monter les côtes à plus de 5% entre Dailly et Mariembourg sans trop de difficultés. Et cette seconde étape se termine par une très longue descente en pente douce vers la vallée de la Meuse… Que du bonheur ! Le GPS est malgré tout au bout de son autonomie, et je patauge un peu au bord de la Meuse pour trouver la chambre d’hôtes "Utopia Hastière", tenue en Wallonie par des Flamands de Leuven très sympathiques. Le soir, je vais "souper" au bord de la Meuse dans une barraque à frites très sophistiquée qui me propose de succulentes moules-frites : c’est une journée qui se termine beaucoup mieux que la précédente !
La troisième étape commence par une petite incursion en France (à Givet), mais aucune frontière visible malgré les menaces de quarantaine liées au Covid-19… Il y a 1.797 mètres de D+ au programme de cette journée, et cela commence très vite à monter pour quitter la vallée de la Meuse (altitude 100m) et grimper à 450m au km 50 après plusieurs descentes et remontées…
Il fera encore 35° à l’ombre durant la plus grande partie de la journée, et très lourd… Heureusement que la route est le plus souvent ombragée, car les côtes succèdent aux vallées… et le bonhomme commence à fatiguer sérieusement ! Je déjeune dans un restaurant un peu glauque du côté de Dohan (km 66), mais j’ai vraiment besoin de faire une pause à l’ombre ! Plus tard dans l’après-midi, écrasé par la chaleur, je ne trouve rien d’ouvert en ce dimanche après-midi du côté d'Izel (km 92) et vais sonner dans une ferme pour obtenir de l’eau… Personne ne répond… Et finalement je trouve la famille en train de faire la fête dans une grange à l’arrière, qui me donne de l’eau bien fraîche après avoir calmé de gros chiens très véhéments qui ne semblaient pas apprécier la présence d’un intru en cuissard ! Les 20 derniers kilomètres empruntent à nouveau le parcours d’une ancienne ligne de chemin de fer en longue descente vers Virton et la frontière française… sauf une dernière bosse à 10% sur 500 mètres à 2 bornes de l’arrivée, qui m’oblige à mettre pied à terre quelques minutes ! C’en était trop, par ces chaleurs ! J’arrive épuisé au "Nichoir de Gaume", chambre d’hôte très accueillante et super bien décorée… Tellement fatigué que je ne tente même pas de trouver un lieu pour "souper" : quelques barres de céréales, des dattes, une bonne douche, la petite lessive quotidienne et dodo !
La quatrième étape devait être la plus belle, mais aussi la plus exigeante de mon périple : 138 km, avec 1.827 mètres de D+. C’était sans compter sur cette canicule qui me terrassait depuis 3 jours ! Comme tous les membres de notre club (UV Orgerus), je recevais des messages de notre Président nous incitant à réduire nos distances de roulage en cette période de fortes chaleurs, et à éviter de rouler aux heures les plus chaudes de la journée… J’avais tout faux ! En échangeant avec mes hôtes au petit-déjeuner, ceux-ci me disent qu’il n’y a plus de train pour aller à Bastogne, et me conseillent de prendre le train à Arlon pour Troisvierges, en changeant à Luxembourg-capitale… Ce que je ferai : 30 bornes à vélo avec 381m de D+ jusqu’à Arlon, puis le train.
L’agent de la SNCB m’a vendu pour 1€ un billet depuis Arlon jusqu’à la frontière luxembourgeoise, et m’a expliqué que dans le Grand-Duché du Luxembourg, il n’y avait plus besoin de prendre de ticket : tous les transports en commun sont désormais gratuits pour tous, nationaux ou étrangers ! Il fallait seulement réserver une place (gratuite) pour le vélo, et il m’a donc remis un ticket pour le vélo jusqu’à Troisvierges ! Déjeuner dans le restau très stylé du buffet de la gare de Luxembourg, où l’on a cependant accepté de garer mon vélo dans le hall d’entrée… Et voyage en train de 13h45 à 15 heures pour arriver à Troisvierges… Une petite ville très calme au Nord du Luxembourg.
Chaleur toujours aussi écrasante à l’arrivée dans cette petite ville, et recherche d’itinéraires pour rejoindre St-Vith… car ici je suis vraiment "hors-parcours" (et cette fois mon GPS n'y est pour rien !). Arrêt dans un petit supermarché pour faire le plein de fruits et boissons fraîches. Finalement il m’a fallu cafouiller un peu pour retrouver une très belle piste cyclable entre Luxembourg et Belgique, puis entre Belgique et Allemagne : 33 bornes le soir jusqu’à l’auberge de jeunesse de St-Vith, avec 370m supplémentaires de D+, soit un total de 63 km avec 750m de D+ pour cette journée tronquée en journée de récup' bienvenue.
Après quoi je suis arrivé à l’auberge juste à temps pour le souper servi, à 18h30 (horaire normal dans ces contrées) ! Très belle et grande auberge, mais sous-utilisée pour cause de "Covid" et de ses règles de distanciation… J’avais été obligé de réserver une chambre de 4 pour moi seul… au moins je ne risquais pas d’être dérangé par des ronfleurs ! Directeur et personnel de cuisine très arrangeants qui ont tout fait pour me préparer un petit-déjeuner spécialement pour moi tout seul, car je souhaitais partir avant l’heure réglementaire…
Gros kilométrage au programme, mais beaucoup plus de descentes que de montées : je vais quitter les Ardennes (altitude 580m) pour rentrer dans le plat pays (50 m) ! L’essentiel des D+ est concentré dans le premier tiers du parcours, et après il suffira essentiellement de se laisser descendre !?
Autre particularité de la journée : des pistes cyclables magnifiques qui passent d’un pays à l’autre sans que l’on s’en rende compte : Belgique, Allemagne à Monschau (Montjoie - km 43), Belgique, Allemagne à nouveau à Aachen (Aix-la-Chapelle - km 95), Pays-Bas à Maastricht (km 127) et retour en Belgique (Lanaken), seul passage de frontière matérialisé par des panneaux car ici, on n’est plus sur une piste cyclable. Le repas de midi est pris près du Théâtre d’Aix la Chapelle, arrosé par un Cola de marque allemande (Fritz Kola : Europa first !).
Pause fraicheur et ressourcement dans une église des Pays-Bas (Gulpen) et ravito fruité dans un Aldi de Maastricht, car il fait toujours aussi chaud… De retour en Belgique, la piste cyclable qui longe le canal Albert est extraordinaire : un revêtement nickel, toute droite, et une largeur permettant à 5 vélos de rouler de front ! Les zones industrielles de Genk sont gigantesques, mais très clean.
A une dizaine de km de l’arrivée, après toutes ces journées de canicule, une grosse averse orageuse arrive très vite … le temps de me réfugier sous une station-service, et tout de suite après le beau temps revient, un peu moins chaud. Pour changer, le GPS n’a plus de batterie, donc je fais appel à Google Map pour me radioguider vers la maison des amis d’un cousin : ils m’attendent tous les trois à Hasselt et m’accueillent très chaleureusement.
Le cousin Léon et ses amis Dominique (la Wallonne) et Jos (le Néerlandophone) m’ont accueilli comme un prince. Il était prévu que Léon fasse l’étape 6 et le début de l’étape 7 avec moi, et Jos choisit de nous accompagner aussi, pour nous aider à sortir de la ville, et plus si affinités… Finalement, il fera un peu plus de 30 bornes avec nous avant de nous quitter à 8h50 pour vaquer à ses occupations.
Nous continuons à deux sur la piste cyclable qui longe l’énorme canal Albert, avec des grandes usines sur l’autre rive, et plein d’éoliennes rouges et blanches. A Lier (km 76) on quitte le circuit pour aller dîner en ville… Mais presque tout est fermé avant midi… Finalement on trouve un restaurant chinois, qui nous propose des plats chinois avec… des frites belges. On se régale pour pas cher et on est quasiment les seuls dans le restaurant… Le Covid semble vraiment avoir traumatisé les gens ici !
On reprend notre route sous la canicule. A 16h45, une autre piste cyclable presque toute neuve plonge brusquement vers une barrière au bord de l’Escaut… Il faut freiner sérieusement pour ne pas enfoncer la barrière, et derrière c’est la rivière canalisée ! Il faut attendre le bac "spécial vélos et piétons" qui prolonge la piste cyclable ! On l’attendra finalement un bon quart d’heure… En plein cagnard !
A 18 heures, à 10 km de notre chambre d’hôte B&B Sunrise, le GPS nous refait le coup de la panne, et c’est encore Google Map qui prend le relais pour nous radioguider jusqu’à notre gîte…
Nos hôtes du B&B sont encore plus coopératifs que tous les autres : ils acceptent de nous servir le petit déjeuner à 6 heures, et nous décollons à 6h37 pour affronter la dernière journée de canicule ! Pour ce dernier jour, j’ai changé de tenue : jusque là, je lavais chaque soir ma tenue du club pour la réutiliser le lendemain, en conservant dans les sacoches la tenue de rechange en cas de pépin… pour ce dernier soir, je pouvais me permettre de ne pas faire de lessive et ainsi me coucher un peu plus tôt !
Moins d’une heure après le départ (km 18), nous sommes bloqués par un énorme pont levant qui se dresse devant nous pour laisser passer les bateaux sur le canal de Gand, mais il retrouvera la position horizontale 2 ou 3 minutes plus tard.
Puis nous regagnons des pistes cyclables quasi plates presque pour nous tout seuls, dans la campagne agricole ou le long de canaux plus petits et quasi désaffectés. Des grands alignements de peupliers nous permettent de rouler à l’ombre et freinent un peu le vent qui souffle de l’Ouest… donc dans le nez (bis repetita) !
A 11h40 nous arrivons sur la plage de Blankenberge (km 81) et nous ne pouvons pas résister à l’envie de prendre un bain ! Le ciel est brumeux malgré la température encore supérieure à 30°, mais la mer du Nord est exceptionnellement chaude : aucune difficulté à rentrer dans l’eau !
Après quelques minutes de natation calme, on revient quand même vers la digue car il reste 65 km à faire avec le vent de face, et des organismes un peu entamés… Justement, je prends les grands moyens pour alimenter cet organisme : une "mitraillette" ! L’une des spécialités du coin… un énorme sandwich avec frites, viande cuite et mayonnaise !
Et puis nous repartons pour la dernière demi-étape en longeant toutes les stations balnéaires belges, mais en contournant Ostende… et nous arrivons au camping-car familial, à 150 mètres de la plage et à moins de 100 mètres de la frontière belge à 18h15… C’est la fête au camping du Perroquet à Bray-Dunes, et les deux sœurs qui nous attendaient sont enfin rassurées !
Ce fut une superbe expérience, que j’ai envie de renouveler, ici ou ailleurs… si possible sans canicule, en solo, en duo ou en petit groupe de 4 ou 5 maximum. Le vélo, un "gravel", était idéal pour ce genre de périple avec sacoches. Mes bagages pesaient à peine 10 kg : on aurait sans doute pu descendre à 8 kg par ce beau temps estival, mais il aurait sans doute fallu monter à 12 kg par temps plus froid… et beaucoup plus si l’on voulait emmener tente et petit matériel de camping. Le "gravel" permettait d’aborder sans inquiétude les quelques passages gravillonnés, ou les pistes parfois disjointes, et il fut très confortable partout, même si parfois un peu lourd dans les montées. Pour la première fois de ma vie, j’ai eu les derniers jours des ampoules aux mains… Peut-être aurais-je dû changer de gants tous les jours puisque je n’ai utilisé qu’une seule des 2 paires emportées ? Autre problème à résoudre impérativement : l’autonomie insuffisante de la batterie du GPS ! Il faut absolument une batterie annexe, ou une dynamo, mais en tous cas une solution pour bénéficier de la totalité des fonctions chaque jour, du départ à l’arrivée !
Après cette expérience, je rêve de faire un jour (pas trop tard, car l’âge avance…) un aller-retour à vélo de la Queue lez Yvelines à Saint Jacques de Compostelle… 3.200 km en 36 jours, à raison de 100 bornes par jour et 4 jours de repos sur l’ensemble… Rendez-vous dans un prochain compte-rendu !